L’agitation en Libye et la condamnation quasi-unanime de la répression par Mouammar Kadhafi du mouvement d’émancipation qui la caractérise devrait nous ramener à nos contradictions. Celles de nos responsables gouvernementaux actuels qui tantôt voyagent en grands défenseurs des Droits de l’Homme dans les dictatures. Celles du rétablissement des emplois aidés alors qu’on n’a cessé de les miner depuis 2002 et dans cette spirale, que dire de la suppression du bouclier fiscal, présenté comme le Graal, il y a quatre ans et pour lequel on cherche encore un quelconque effet vertueux. Plus encore, nous ne devrions pas oublier celles de l’organisme international qui est particulièrement concerné par les questions afférentes aux droits humains : l’O.N.U. Qui rappelle aujourd’hui qu’en 2003, la représentante de la Libye était élue à la présidence de la Commission des Droits de l’Homme ? Qui rappelle qu’il y a moins d’un an, ce pays était élu triomphalement au Conseil des Droits de l’Homme, au sein de cette même Organisation des Nations Unies ?
Ces non-sens ne démontrent-ils pas que le système hérité de la Seconde Guerre mondiale arrive en bout de course, voire s’illustre d’ores et déjà par son obsolescence ? De plus en plus, les institutions sont tournées en dérision par des États qui n’ont aucun scrupule à dévoyer l’idéal qui animait cette magnifique entreprise, pour mieux la vider de son sens. C’est ainsi que tous les arrangements ont lieu en coulisse, par exemple l’Iran a retiré sa candidature à la dernière élection au Conseil des Droits de l’Homme — qui avait toutes les chances d’aboutir en même temps qu’un tollé incommensurable s’en serait suivi — contre la nomination de son représentant à la Commission sur le Statut des Femmes… cherchez l’erreur. Ces procédés ont pour but de grouper les votes dans une sorte de class action dans sa plus misérablement perfide expression, où dictatures et pseudo-démocraties se serrent les coudes. Cela aboutit à ce qu’une instance en vienne à passer son temps à contrecarrer l’autre, puisque le Secrétaire Général, ne pouvant décemment laisser passer pareille forfaiture, demande ensuite au Haut-Commissaire compétent de suivre de près les faits et gestes de ces États pas tout à fait comme les autres.
Quoi de neuf, me direz-vous ? Eh bien si le but était de mettre « petits » et « grands » pays sur un pied d’égalité a minima, universalisant les procédés indignes auxquels se prêtaient les puissances ayant voix au chapitre du Concert des Nations jusqu’à la création de la S.D.N., nous pouvons nous féliciter de notre complète réussite ! Voilà où mène notre manie de vouloir toujours mettre la charrue avant les bœufs ! En effet, aucun critère particulier n’est préalablement requis lors toute candidature au sein de ces organes… pour la simple et bonne raison que pas mal de démocraties bon teint — dont, notamment, les États-Unis — en seraient également écartées.
Partons du postulat qu’une démocratie mondiale n’est pas qu’une utopie et cherchons réellement comment l’organiser, la rationaliser. Le but étant que tous aient accès à l’Assemblée Générale, il reste à savoir comment les organes institutionnels peuvent émaner de celle-ci en conservant à la fois l’honneur, qui voudrait que seuls des États démocratiques y aient accès, et l’idéal démocratique qui voudrait que tous les peuples soient traités avec la même déférence. Des critères simples semblent incontournables : signature des chartes les plus élémentaires, coopération parfaitement transparente avec les inspections dans tous les domaines — du respect de la liberté des élections à la non-prolifération nucléaire — et respect des résolutions émanant de l’A.G., ce qui exclut pratiquement tout le monde à l’heure actuelle ! Avec un peu de bonne volonté et quelques années d’âpres négociations, ces objectifs simples ne sont pas hors de portée.
Reste alors la question épineuse du Conseil de Sécurité. Ses membres permanents — d’ailleurs pourquoi y aurait-il des pays plus dignes de cette permanence que les autres ? — tirent leur pseudo-légitimité de deux principes complètement caduques : la victoire en 1945 et la possession d’armes nucléaires. D’une part, la première justification n’a plus lieu d’être dans un monde qui a tant changé depuis et, d’autre part, la deuxième n’est plus qu’une belle hypocrisie. La bombe indienne ne fait aucun doute, celles du Pakistan et d’Israël à peine plus et nous avons tous en tête la liste des pays qui sont en capacité d’en produire une ou qui sont sur le point de pouvoir techniquement y arriver. Pour éviter les arrangements dénoncés plus haut, dans le cadre hypothétique d’une désignation de tout le Conseil de Sécurité par élection au sein de l’Assemblée Générale, nous ne pouvons nous résoudre à faire émaner de chaque continent un nombre défini de sièges. La pure proportionnelle en fonction de la population serait un piège inextricable : les superpuissances démographiques (suivez mon regard) ne sont pas forcément des modèles que le monde devrait suivre. Nous ne pouvons cependant négliger une introduction d’une part de proportionnelle, puisque le sultanat d’Oman ne peut pas peser autant que la République Populaire de Chine. Pourtant, il nous faudrait élaborer un panel d’outils statistiques et éthiques suffisamment clair et efficace pour donner un poids légitime à chaque membre, en fonction certes de sa population, mais aussi du respect qu’il a des Droits de l’Homme, des convention internationales et, évidemment, des résolutions de l’organisation, par exemple.
Alors que l’O.N.U. s’efface de plus en plus en l’absence de réelle puissance coercitive, ces dernières décennies, les organisations restreintes et exclusives pullulent : pour n’en citer que deux qui sont particulièrement symptomatiques, mentionnons ici le G20 et l’O.T.A.N.. La première est ouvertement un club des plus riches que l’on érige en référence, sans pour autant qu’elle n’ait aucune légitimité démocratique. La seconde, initialement tournée contre l’U.R.S.S. n’a de cesse de gagner en importance depuis la chute de celle-ci, tandis que celle des Nations Unies suit une courbe inverse. N’y a-t-il pas là une double absurdité qui n’a d’égal que son urgence, en une période de trouble comme celle que nous connaissons à tout point de vue actuellement ? Cette même urgence devrait nous pousser à agir !
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